« Uberisation » du sport et appauvrissement du rider pro…
« Uberisation » du sportif et appauvrissement du rider pro, allons-nous vers une fin du sponsoring ?
Déjà, il est important de définir le terme d’Uberisation en ce qui nous concerne ici, dans le monde du wake. En effet, c’est un parallèle un peu tiré par les cheveux, mais pas tant que ça, vous allez vite comprendre…
L’uberisation, dans ses grandes lignes, c’est le fait de proposer un service de qualité moins cher à ses clients, qu’un service classique, plus coûteux.
Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, chaque pro rider, ou même amateur, a accès à une visibilité sans limite. Aux commandes de son propre média, il peut à présent mettre avant ses performances gratuitement, à son rythme, et comme il le souhaite.
Une prestation souvent de qualité qui permet à ses sponsors d’avoir la visibilité qu’ils souhaitent, sans passer par la case « budget ». Mais peut-on dire que cette économie sera un moteur de croissance intéressant pour la marque et engendrera une bascule de financement au profit du rider, cela est moins sûr…
FULL RIDE
Si les prestations sur Instagram des riders sont souvent irréprochables, elles se limitent à n’être que des prestations de « ride ». Aujourd’hui, soyons honnête, un bon rider, avec n’importe quelle planche sous les pieds est capable de réaliser les mêmes prestations. Alors hormis accorder un niveau exceptionnel au pro rider, quelle est la place de l’image de la marque dans ces prestations ? Où est la mise en avant du produit ? Il n’y en a pas… Ou très très peu. Le rider est le seul à être mis en avant. La marque, elle, passe au second rang. Les « followers » s’identifient donc aux riders, à son image, à son charisme, et plus du tout à la marque. Bref, peu importe l’étiquette ! Mais pourtant, de quelle promotion est redevable le rider, de lui-même ou de celle des produits de son sponsor ? Celui-là même qui lui permet de voyager et vivre du sport est finalement mis de côté. Mais jusqu’à quand les marques accepteront d’être devenues l’outil d’une promotion focus sur une seule et même personne ?
CONTRÔLER L’IMAGE DE SA MARQUE
Justement, confier l’image de sa marque à un rider à travers ses posts sur Instagram ou Facebook, c’est remettre les clés d’un ADN si précieux lorsque l’on doit avoir une ligne directrice dans sa communication. Comportement douteux en story, choix de musiques « aléatoires », vidéos faites à la « va-vite », redondance d’ « Avocado toasts » ou pause café postés chaque matin ( Private joke 😏 )… Bref, si déjà la mise en avant produit n’y est plus, ou très peu, sur ce point, c’est cette fois l’image de la marque qui disparaît au profit de l’image du rider. Le rider devient la marque.
Alors quand tout ce passe bien, tout roule. Mais le jour où ça dérape, et que le marque n’est pas raccord avec son rider, dommage… Au mieux, la marque en empathie et gère l’impact en ne communiquant pas sur son rider, au pire, le rider est viré… Et n’allez pas croire que ce genre de situation n’arrive que dans les films… Beaucoup de riders, tous sports confondus, en ont fait les frais…
SPORT À IMAGE, SES LIMITES
On pourrait dire que le wake est un sport d’image. Et c’est effectivement le cas. Mais si les marques pouvaient, il y a peu de temps, surfer sur cette image, se l’approprier et communiquer, cette époque est révolue. Avouons le, il n’y a plus de marque qui fasse rêver. Les marques se sont fait dépasser par l’image. Avant, les grands groupes comme Quiksilver, Billabong, DC… avaient une image telle, que les gens osaient mettre un sticker recouvrant l’ensemble de leur voiture ! Aujourd’hui, la tendance est passée au minimalisme, au « hors système ». Teeshirts sans logo achetés à H&M, chemise chinée à Emmaus, exit le fan « homme-sandwich » militant pour sa marque de coeur. Bon, c’est pas plus mal, on est d’accord. Mais le problème, c’est que l’image est venue remplacer la marque, et donc la qualité.
Au nom de l’image, le moyen et le médiocre peuvent à présent exister et même dépasser l’excellent. Regardez comme les ex-star plastiquées de la télé-réalité occupent plus de place sur les réseaux sociaux que les mannequins de grande classe. Et l’effet encore plus pervers à cela, c’est que ces mêmes grandes marques se détournent à présent de l’excellence et financent le pathétique et l’écervelé. Bref, aujourd’hui, si tu veux vendre un dictionnaire, Nabilla le fera mieux que Bernard Pivot !
LA PERFORMANCE EFFACE LE RIDER ET SES COMMANDITAIRES
En postant du contenu de plus en plus court et intense, le comportement boulimique des followers amène ceux-ci à ne même plus prêter attention aux noms des riders et encore moins à ses sponsors. Qui connait le nom du surfer qui a ridé la plus grosse vague à Nazaré récemment ? Qui connait la marque de sa planche, de sa combinaison ? Personne. Pourtant, ce sont ces marques qui lui permettent de vivre et réaliser cet exploit.. . Alors pourquoi continuer à sponsoriser cette personne si les marques n’ont pas de retours ? Avant, nous aurions eu une seule vidéo de cette performance, ultra médiatisée. Aujourd’hui le surfer post son exploit de son côté et récolte les « likes » et la gloire. Si éphémère soit-elle. Car le lendemain, ce sont mille autres vidéos de 10 secondes qui défileront sur le fil d’actualité de l’abonné… C’est cette société de consommation qui a déclenché une véritable boulimie de contenus, amaigrissant ainsi le qualitatif, l’information et l’empreinte d’un exploit dans le temps.
UNE COURSE AUX LIKES
Dans cette forme de communication, le seul indicateur, c’est le nombre de vue ou de like. Alors quoi penser d’une prestation qui n’aura pour seuls juges que ses followers respectifs ? Quel est l’impact d’un like d’une video sur un comportement d’achat ou d’affiliation à une marque ? Aucun… La quantité n’a jamais était preuve de qualité.
CHOISIR SES TEAM RIDERS
Dans ces conditions, devinez vers qui une marque pourrait se diriger ? Vers les plus influenceurs de tous évidement ! Et devinez qui influencent le plus ? Les influenceurs professionnels bien-sûr… Et qui ne seront pas forcément les meilleurs riders…
Heureusement, en véritables passionnés, les personnes en poste aux marketing « wake » n’ont pas encore franchi le cap. Mais jusqu’à quand ? Quand on voit que dans le monde du surf les surfeuses qui gagnent le mieux leurs vies, ce ne sont clairement déjà plus les rideuses qui font des podiums… Mais bien de véritables influenceuses qui se contentent de poser, boards sous le bras, devant des paysages sublimes. Adieux les performances, bienvenue à l’image… juste l’image… Rien que l’image… Le produit quand à lui ? Il passe du second rang au troisième !
DE L’OR POUR LES BRAVES ! ET BIEN NON PLUS…
C’est donc vers cela que l’on se dirige dangereusement. D’une simple économie de « budget », c’est vers l’appauvrissement des riders pros que nous glissons gentiment. Quel intérêt aurait une marque à financer et sponsoriser un lifestyle. Ce n’est pas ce qu’elle vend ! Et si quand bien même le rider colle à l’image de la marque, il ne peut assurer le marketing produit .
LE PETIT MANGE LE GROS
C’est donc dans cette même stratégie d’économie de budget que le pro-rider est en péril. Le micro influenceur est à la mode. Il ne coute pas cher et il a les mêmes outils. Car si la performance efface l’image de la marque, l’image prend sa revanche en effaçant la performance et la qualité ! Bien géré, un compte Instagram amateur peut répondre à toutes les attentes de followers et clients potentiels pour un marque .
BILAN
Le discours pourrait sembler alarmiste ou même réactionaire, mais malheureusement les premiers indices sont déjà là. Une communication centrée sur soi, un contournement des médias, un nombrilisme évident… c’est aujourd’hui la tendance. Le « MOI JE » a remplacé le « NOUS SOMMES » . C’est toute une industrie où chacun est indispensable à l’autre qui est en péril et qui disparaît peu à peu.
Alors même si cet article ne trouvera surement aucun écho dans l’esprit des plus ancrés dans cette nouvelle façon de communiquer, nous aurons tenté de parler au nom du mot « communautaire » , si propre à notre sport. Il faut comprendre que chaque acteur de notre industrie est indispensable à un équilibre parfait où chacun peut vivre du sport à sa façon. En enlevant une pierre à l’édifice tout s’écroulera.
Finalement, on peut le dire et l’annoncer : Facebook et Instagram créent les conditions de l’uberisation du marketing et donc l’appauvrissement du rider pro. La révolution est lancée depuis un moment et on n’est pas au bout de nos surprises…