En route vers un suicide de la professionnalisation du sport !
En route vers un suicide de la professionnalisation du sport !
Le mot est fort, mais l’heure est grave… Ce n’est plus un secret, la presse papier traîne la patte depuis plusieurs années. Et n’allez pas croire que nous parlons ici que de médias de wake. Non… Pour ceux qui voient un peu plus loin que le bout de leurs palonniers ( ou de leurs « handle » en anglais 😉 ), les magazines de skate, de snow, de surf… ont presque tous disparu. Il est loin le temps où dans nos kiosques à journaux nous hésitions entre acheter SUGAR, TRICKS MAGAZINE et THRASHER… Entre SURF SESSION, SURF SAGA, TRIP SURF… Entre HANDLE et… non, ça, vous n’hésitez pas ( Joking 😉 ). Il est loin le temps où nous attendions avec impatience l’arrivée de notre magazine préféré dans les bureaux de presse. Les enchaînant un par un , en quête de celui qui aura enfin notre Graal en vente.
Adieu l’époque où scorer une double ou une « cover » était presque la consécration de tant d’efforts.
Ce temps est loin… Remplacé par les réseaux sociaux et les sites web, cette mort du papier que nous annoncions tous est donc arrivée. Alors oui, quelques magazines survivent évidemment, et c’est tant mieux, mais combien en avons nous mis sous terre…
Mais si nous avons déjà enterré et fait le deuil de cette presse glorieuse que nombreux regrettent, nous voilà face à un nouveau virus. Et oui, il n’y en a pas que pour les chinois…
Cette fois-ci, ça vient de l’intérieur… Les réseaux sociaux prenant le pas sur le papier et les sites web spécialisés, chaque marque, chaque rider peut à présent gérer sa propre communication, sa propre image. Ultra accessible, ultra virale, cette nouvelle façon de communiquer fait l’unanimité.
Seulement voilà, c’est dans la discrétion que le mal opère le mieux…
Avoir sa page instagram, sa page facebook, des milliers de followers, poster ses photos, ses vidéos, être en somme sa propre presse, voilà l’actuelle démarche de nombreux riders pros et amateurs. Une démarche logique en soit, mais qui se perd aujourd’hui dans une espèce de brouillard médiatique. Qui est pro ? Qui est amateur ? C’est le nombre de followers qui départage !?
Alors qu’est ce qui fait la « valeur marketing » d’un rider ? Cette « valeur » qui lui permet d’avoir des sponsors et de vivre de son sport ?
Et bien je vous le donne en mille, c’est sa médiatisation. Alors vous allez dire, « parfait, chacun étant devenu sa propre presse, son propre média, chacun peut gérer sa propre médiatisation ! » Bah oui, évidemment… Si c’était si simple…
Le voilà le problème et il faut voir ici deux grands axes qui peuvent déboucher sur une mort de la professionnalisation du sport…
Le premier, c’est cette médiatisation « instantanée » justement… Il faut l’avouer, elle est parfois mal organisée, mal filmée et peu qualitative… Alors oui, c’est du contenu me direz vous… Mais les riders n’étant pas des couteaux Suisses, ils ne peuvent rider et en même temps produire la vidéo qui répondra à ce besoin de médiatisation et de qualité.
Alors qui la gagne cette course aux sponsors ? Qui rafle les budgets ? Celui qui produit le plus contenus ? Le plus qualitatif ? Celui qui ride le mieux ? Celui qui arrive à faire les deux ? Où est la place du sport dans tout ça ?
Médiatiser un sport et ses acteurs, c’est un métier. Sorte de vecteur de valorisation du rider, les médias mettent en lumière tel ou tel rider justement, en pondérant chaque mise avant et en établissant une sorte de classement entre tous. Et c’est justement ce classement là que les marques regarderont pour ajouter un rider dans leur team.
En effet, perdu dans cette masse de contenus mélangeant sans distinction pros et amateurs, il devient difficile aux followers et surtout aux marques de juger le potentiel d’un rider et d’avoir des repères. C’est donc là le problème, les riders se livrant désormais à cette auto-médiatisation plongent ainsi volontairement dans le brouillard cité plus haut.
Il fût une époque, où les riders tout sports confondus, se battaient pour être publiés. Aujourd’hui, peu sont ceux qui ont compris l’enjeu, et beaucoup s’isolent dans leur propre « presse »… Car l’enjeu pour ceux qui veulent devenir pro, c’est le sponsoring ! Et aucune marque ne misera sur un rider qui n’est pas médiatisé.
Deuxième axe, c’est au sujet de tout ce contenu offert aux marques… En effet, celui-ci ne peut plus justifier de budgets conséquents… A quoi bon mettre des euros dans de vrais projets, vu que de toute façon, les gens ne regardent plus une vidéo qui dépasse la minute ! Les exemples ne manquent pas dans l’industrie du surf à l’heure actuelle. Les plus grands noms du sport perdent un par un leurs plus gros sponsors.
Misant sur des « rideurs influenceurs » de « proximités », certaines marques ( heureusement pas toutes ) bénéficient d’un plan de comm’ à bas prix et d’une présence sur les réseaux sociaux satisfaisante et malheureusement parfois suffisante… Alors pourquoi dépenser des millions avec les meilleurs !
Et oui, l’influenceur marche sur le territoire du pro rideur…
Mais ceci n’est qu’une vision à court terme, car aujourd’hui, tout arrive à peu près à fonctionner… Mais à long terme, c’est tout une industrie qui pourrait en payer les frais… Un sport qui se dé-professionnalise, des marques en manque d’image « core », des pros riders relayés au second plan, des followers désorientés… On fonce vers la fin du sport professionnel !
Bref, oui, les réseaux sociaux sont fantastiques et peuvent même mettre en lumière des inconnus sans passer par la case « résultats en compétitions ». Mais si l’on veut éviter le scénario catastrophe expliqué plus haut, il va vraiment falloir que notre génération, via Instagram et Facebook, arrête de se regarder le nombril, apprenne à jongler entre une auto-médiatisation et une diffusion médiatique plus générale en proposant du contenu plus qualitatifs aux médias. Dans le cas contraire, ce sera chacun pour soi, la tête dans son téléphone, 100% focus sur son compte insta et ses « likes », auto-centré, limite égocentrique…
Après chacun est libre de faire ce qu’il veut, mais dans l’idée où votre démarche est de devenir pro ou juste avoir des sponsors, d’après vous, il vaut mieux parler se soi, ou plutôt que l’on parle de vous ? Que l’on parle de vous évidemment ! Et de plus, qui s’intéresse à quelqu’un qui ne s’intéresse qu’à lui ? Vous l’avez deviné: Personne…
Donc allez, on lève la tête, et on se met à penser communauté plutôt qu’individualité ? Il en va de la survie du sport de haut niveau !
PS: Ce texte nous est venu à l’idée après ce constat:
Tous les jours des pro-riders du monde entier nous envoient du contenu pour que nous le publions. En France, allez savoir pourquoi, nous ne sommes quasiment jamais sollicités… C’est ça la « French Touch » ! Et on la kiff ! Mais si notre pays manque terriblement de professionnalisme dans les sports de glisse, c’est peut être aussi un peu à cause de ça… Alors vous êtes prévenus, faudra pas venir exceller dans le sport national français: râler !